Lors du dernier conseil municipal, la Ville a fait modifier le bail emphytéotique conclu en 2010 pour le terrain de la future grande mosquée du centre-ville de La Courneuve pour en fixer le montant à un euro par an, comme le permet de facto une jurisprudence du Conseil d’’Etat de juillet 2011.
Sur la forme, on peut s’étonner que la délibération modificative du Conseil municipal du 2 février évoque une délibération du Conseil municipal du 30 décembre 2010, alors qu’il n’existe aucune trace de réunion du Conseil municipal à cette date. En effet, c’est le 30 septembre 2010 qu’a été voté le bail initial. Cela montre une certaine légèreté dans le suivi du dossier.
Lors de ce Conseil municipal, Daniel Goldberg s’est exprimé pour rappeler les enjeux et éclaircir les conditions de cette délibération, rappelant que si les villes pouvaient selon la « jurisprudence » convenir d’un « tarif modique » pour les baux emphytéotiques destinés à la construction de lieux de culte selon une ordonnance de 2006 et votée par le Parlement en 2009, cette faveur ne pouvait concerner que la partie strictement cultuelle et non la partie culturelle et qu’au terme des 99 ans du bail, la propriété du bâtiment revenait à la Ville.
Anthony Couteau-Russel (majorité municipale) souhaite un travail artistique sur la future mosquée pour une insertion réussie qui évite un repli identitaire. Laurent Santoire (PCF) vante lui le cimetière musulman de Bobigny, alors que pour Khaled Benlafkih la laïcité n’est pas l’athéisme.
Seuls les trois élus de Lutte ouvrière, qui s’étaient abstenus en 2010 et pourtant membres de la majorité municipale, ont voté « contre » cette délibération arguant d’un flou entre partie cultuelle et culturelle, appelant que « déjà en 1789 et pendant la Commune, les révolutionnaires demandaient la séparation de l’Église et de l’État ». L’UMP était absente.
Le terrain concédé par bail se trouve 6-10 avenue Gabriel Péri, peu avant le croisement avec la rue Lacazette sur le site récemment libéré par l’entreprise Gravilux. Celle-ci a reçu en fin d’année 2011 une indemnité d’éviction, votée lors du conseil municipal du 15 décembre (trois abstentions) pour le congé qui lui avait été signifié en 2008. Des travaux de démolition du bâtiment existant ont commencé pour que la Ville livre un terrain nu, afin de poser symboliquement une première pierre en septembre 2012.
Serpent de mer, le projet d’une « grande mosquée » est évoqué depuis dix ans. En effet, notre commune abrite une dizaine de mosquées ou lieux de prière le plus souvent affiliés à un pays ou à une communauté et disséminés de par la ville (mosquée malgache au centre-ville, mosquée pakistanaise vers Paprec, mosquée mauricienne rue Rateau, etc…), ainsi que l’UOIF, rue de la Prévoté, qui a fixé son siège national dans notre ville.
Le partenaire identifié par la Ville en 2007 est l’Association cultuelle des Musulmans de La Courneuve (AMC), qui regroupait trois mosquées : la mosquée Ibrahim El Khalil (place Villon), la mosquée comorienne (place Alfred de Musset) et l’association des musulmans de l’Inde (AMI). Trois personnalités rattachées à cette association sont devenues conseillers municipaux ou maire-adjoints de la Ville en 2008. L’AMI s’est retirée du projet dès 2009 pour acheter son propre local boulevard Pasteur. Quant aux comoriens, la base de fidèles est restée très attachée à son indépendance et montre peu d’empressement à s’engager plus avant.
L’AMC semble donc se résumer à la seule mosquée Ibrahim El Khalil. Leur site internet est commun et le maître d’ouvrage indiqué sur le plan semble indiquer que l’AMC et la mosquée Ibrahim El Khalil sont la même entité. L’Association cultuelle des Musulmans de La Courneuve semble donc ne pas regrouper la majorité des musulmans de La Courneuve, mais une seule mosquée qui paraît donc bénéficier d’un traitement bienveillant. Faute de fédérer, au moins dans un premier temps, ce nouveau lieu de culte ne viendra pas se substituer aux lieux de culte existants, mais s’y ajouter. Par ailleurs, les Musulmans privilégient souvent la proximité, d’où par exemple le fait que la mosquée mauricienne de la rue Rateau soit aussi très fréquentée par les musulmans d’autres origines, mais habitant les Quatre-Routes.
Le projet initial défini voici plusieurs années a été évalué par le Maire, parking souterrain de 93 places inclus (alors que le site internet en affiche toujours 130), à 7,5 millions d’euros au Conseil municipal du 30 septembre 2010. Reste aux soutiens de l’AMC à réunir les fonds nécessaires pour la seconde pierre. Pour l’instant, on a plus vu les associations musulmanes d’Aulnay-sous-Bois, Chelles, Montreuil ou Bobigny entreprendre des collectes publiques pluriannuelles sur notre ville que l’AMC, mais nous en saurons certainement plus fin 2012 sur les moyens mobilisés, sachant que les collectivités ne peuvent donner aucun concours financier à celui-ci et que le soutien des pays étrangers ne couvre qu’une partie des sommes nécessaires.