On est dix-milles.

J’étais parti crier avec les loups, ma désinvolture et mon mépris.
Je reviens à La Courneuve et la photo du quartier est en couverture du Regards, prise du clocher de la mairie: de loin, et de très haut.

De si haut qu’on ne distingue même pas les gens sur la photo.

Pourtant on est dix-milles en bas à faire l’expérience quotidienne d’un espace publique bâclé. On est dix-milles à arpenter des trottoirs défoncés, étroits, mal rapiécés. Heureusement qu’il y a les 200 mètres tout neufs de la rue Paul Doumer: c’est un peu court pour découvrir le plaisir de se promener dans le quartier, mais ça permet de se faire une idée.

On est dix-milles a voir notre bien commun grignoté par l’intérêt particulier: les Quatre-Routes accueille les entrepreneurs qui ont besoin d’espace. « Garagistes, épiciers, marchands en tous genres, les mètre-carré de trottoir sont offerts ! En prime la vidéo surveillance protection vous permettra de vous approprier l’espace publique en toute sécurité. »

On est dix-milles a être devenus fans de sculpture: le Pouce de César vient régulièrement agrémenter le paysage de nouvelles compressions en filant de grosses pichenettes à ce qui fut jadis du mobilier urbain. Prêtez vos lunette à Monsieur le Maire lors des prochaines balades urbaines, il faut être complètement myope pour ne pas les remarquer, on est dix milles à marcher de travers tellement tout ici est penché, tordu.

Les Quatre-Routes sont loin d’être laissé à l’abandon. Sûr, elles ont dépassé ce stade il y a un bon moment. Comme si les pouvoirs publiques avaient décidé de laisser faire, pour voir. C’est bon, on voit bien, on y vit.