Dans sa lettre adressée aux habitants de La Courneuve, Gilles Poux, maire depuis près de trente ans, a officiellement annoncé qu’il ne se représentera pas aux élections municipales de 2026. Bien que présentée comme un choix personnel, cette décision soulève des interrogations sur la transparence du processus de succession, qui semble déjà soigneusement orchestré.
Un bilan flatteur et une désignation subtile
Dans un ton chaleureux et empreint de nostalgie qui fleure bon l’époque soviétique, la lettre dresse un bilan flatteur des mandats de Poux, tout en critiquant les “politiques nationales injustes” et les discriminations sociales subies par la ville. Mais derrière cette déclaration, l’essentiel se joue ailleurs : la désignation officielle de Nadia Chahboune, adjointe à la jeunesse et figure locale, comme sa successeure.
Une succession balisée sous des airs de consultation
Gilles Poux ne laisse pas de place à l’ambiguïté : Nadia Chahboune est présentée comme une figure de consensus, « pétrie d’humanisme » et de « solidarité », on frôle le messie. Selon le maire, elle incarne l’avenir de la ville. Une analyse qui ressemble davantage à une validation politique qu’à un appel à la compétition électorale.
D’un côté, le maire évoque la participation citoyenne : « Vous déciderez quel projet et quelle équipe vous souhaitez pour relever ces défis ». D’un autre, il livre sur un plateau la candidate à soutenir, déjà décrite comme « une excellente maire ».
Cet « en même temps », qui conjugue ouverture démocratique et succession verrouillée, pose question.
Transition démocratique ou contrôle du pouvoir ?
Cette annonce laisse peu de place au doute quant à la volonté de contrôler la transition. Gilles Poux, tout en insistant sur le fait que le choix reviendra aux électeurs, a déjà préparé la voie pour sa successeure, désignant implicitement Chahboune comme l’unique option viable pour limiter de fait la diversité des candidatures et marginaliser les candidats alternatifs.
Le message est clair : la continuité doit primer. Plutôt que le renouveau politique, la future élection semble déjà balisée pour prolonger l’héritage de Poux, tout en lui insufflant une « nouvelle énergie ».
Une gouvernance cadenassée sous prétexte d’unité
La lettre de Gilles Poux révèle également un autre enjeu : celui d’un pouvoir qui doit se transmettre en interne, sans ouverture aux autres sensibilités politiques. Le slogan « La Courneuve doit rester unie » justifie l’exclusion d’idées et de projets alternatifs, au nom d’une cohésion présentée comme indispensable pour éviter l’affaiblissement de la ville.
Pour Gilles Poux, la diversité qui fait la richesse de « la ville monde » devient un handicap quand il s’agit de gouverner.
Une inspiration macronienne
Le parallèle avec Emmanuel Macron s’impose. Chez l’un comme chez l’autre, le discours de renouvellement s’accompagne d’une mainmise sur le processus de transition. Le choix de la personne qui incarnera l’avenir n’est pas laissé au hasard, mais soigneusement encadré. Ce modèle de succession fermée, bien qu’enrobé d’une rhétorique de changement, vise davantage la pérennisation du système en place que l’ouverture démocratique que La Courneuve mérite.